La citoyenneté dans la démocratie
Par Hugues Poltier
www.contrepointphilosophique.ch
Rubrique Politique
Février 2004
Le but de cet exposé est de contribuer à penser la question de la citoyenneté dans le contexte contemporain. Il ne s’agit donc pas pour moi de me cantonner à une présentation historiographique de la réflexion sur la citoyenneté depuis la fondation de la démocratie grecque au VIe-Ve siècles avant J.-C. Il s’agit ici pour moi de penser les transformations corrélatives de la politique et de la citoyenneté au courant des dernières décennies – pour faire rapide depuis la fin du second conflit mondial environ[1].
Le présupposé qui sous-tend mon propos vaut d’être brièvement exposé. Si, sur le plan formel, il peut sembler que la citoyenneté, en tant qu’institution centrale de la démocratie, est restée inchangée, dans la réalité, en revanche, elle s’est transformée au rythme des mutations qui ont marqué les sociétés contemporaines au cours du dernier demi-siècle. Parmi celles-ci, tout à la fois économiques, politiques et idéologiques, la plus importante est sans doute le triomphe de l’orientation libérale au cœur de laquelle on trouve l’affirmation de l’individu, c’est-à-dire de sa légitime indépendance à l’égard de la collectivité ; en d’autres termes encore de son droit à poursuivre ses fins en toute indépendance dans la limite du respect des lois. Ce qui me paraît tout à fait décisif, et que je voudrais établir ici en quelques mots, c’est que les dernières décennies de notre histoire ont été marquées par un approfondissement extraordinairement puissant de ce principe libéral et que ce phénomène se traduit par une mutation non moins décisive de la compréhension de soi citoyenne et, parallèlement, des formes d’intervention militantes. En un mot, disons que nous sommes passés d’un modèle républicain de la citoyenneté – modèle hérité de Rousseau et, à travers lui de l’antiquité gréco-romaine – à un modèle