La colonie
HERMOCRATE : À rien, comme à l'ordinaire.
UN AUTRE HOMME : C'est-à-dire à vous marier quand vous serez filles, à obéir à vos maris quand vous serez femmes, et à veiller sur votre maison : on ne saurait vous ôter cela, c'est votre lot.
MADAME SORBIN : Est-ce là votre dernier mot ? Battez tambour; (et à Lina) et vous, allez afficher l'ordonnance à cet arbre.
On bat le tambour et Lina affiche.
HERMOCRATE : Mais, qu'est-ce que c'est que cette mauvaise plaisanterie-là ? Parlez-leur donc, seigneur Timagène, sachez de quoi il est question.
TIMAGÈNE : Voulez-vous bien vous expliquer, Madame ?
MADAME SORBIN : Lisez l'affiche, l'explication y est.
ARTHÉNICE : Elle vous apprendra que nous voulons nous mêler de tout, être associées à tout, exercer avec vous tous les emplois, ceux de finance, de judicature 2 et d'épée.
HERMOCRATE : D'épée, Madame?
ARTHÉNICE : Oui, d'épée, Monsieur; sachez que jusqu'ici nous n'avons été poltronnes que par éducation.
MADAME SORBIN : Mort de ma vie ! qu'on nous donne des armes, nous serons plus méchantes que vous; je veux que dans un mois, nous maniions le pistolet comme un éventail : je tirai ces jours passés sur un perroquet, moi qui vous parle.
ARTHÉNICE : Il n'y a que de l'habitude à tout.
MADAME SORBIN : De même qu'au Palais à tenir l'audience, à être Présidente, Conseillère, Intendante, Capitaine ou Avocate.
UN HOMME : Des femmes avocates ?
MADAME SORBIN : Tenez donc, c'est que nous n'avons pas la langue assez bien pendue, n'est-ce pas ?
ARTHÉNICE : Je pense qu'on ne nous disputera pas le don de la parole.
HERMOCRATE : Vous n'y songez pas, la gravité de la magistrature et la décence du barreau 3 ne s'accorderait jamais avec un bonnet carré 4 sur une cornette. 5
ARTHÉNICE : Et qu'est-ce