la colonisation
PREMIER AXE : UNE DOUBLE TORTURE
La première torture est celle de la jalousie. La jalousie possède deux caractères forts dans cette scène : c’est un sentiment qui surpasse toutes les douleurs de la passion cachée. Racine identifie la passion à un « faible essai » (vers 1230) alors que cette expression au singulier concentre une multitude de pluriels qui servent à évoquer, au début de la tirade, l’amour et ses conséquences « craintes », «transports », « fureurs », « feux », « remords » : on notera les allitérations en f et en r qui valorisent la douleur passée (fureur de mes feux/horreur de mes remords). Or, ces accablements ne sont rien par rapport à la jalousie, jalousie qui est donc définie comme le sentiment le plus insupportable à vivre, l’extrémité de la souffrance ! Dans sa seconde tirade, Phèdre va utiliser (comme elle le fait souvent) le verbe brûler (vers 1266) mais c’est une brûlure presque sans cause : « Pour qui ? » demande-t-elle (vers 1267). Hippolyte n’est donc plus seul la cause de la souffrance, le couple qu’il forme avec Aricie focalise la haine, et c’est surtout la haine de sa rivale qui prend le dessus. Il y a donc changement d’objet de la souffrance. On se dit que Racine a utilisé Aricie uniquement pour faire naître cette ultime douleur dans le cœur de la Reine, comme l’instrument d’une dernière blessure (qu’on peut résumer ainsi : Aricie a pris ma place). Quant à Oenone, elle est spectatrice privilégiée de cet excès, mais elle est comme tous les spectateurs de la représentation, liée au sentiment démesuré qui provoque la pitié : « Prends pitié de ma jalouse rage » dit Phèdre (vers 1258) comme pour l’entraîner dans son ressenti.
C’est un sentiment neuf, nouveau, qui s’exprime dans un cri pathétique au vers 1225. On notera la ponctuation (les deux exclamations qui s’enchaînent) et qui donnent l’impression que Phèdre vit un cauchemar. D’où l’énumération pressante