La conscience de ce que nous sommes peut-elle faire obstacle à notre bonheur ?
Dans ses Confessions, saint Augustin avoue avoir volé des poires « par insuffisance et mépris du sentiment de justice ». La conscience de ses défauts est lucide, comme tout autre auteur se livrant à ce type d'exercice. En même temps, l'autobiographie semble aussi procurer une grande satisfaction et répondre à un besoin. La conscience de ce que nous sommes fait-elle obstacle à notre bonheur ? Sommes-nous insatisfaits, voire malheureux, du fait que nous avons la conscience de nos caractéristiques, bonnes et surtout mauvaises ? Doit-on payer le prix de la lucidité vis-à-vis de nous-mêmes, par une déception ou un pessimisme fondamentaux ? Il faudrait alors presque regretter que la nature nous ait donné une conscience. Mais un être non conscient peut-il à l'inverse s'estimer heureux ? Le bonheur représente-t-il quelque chose pour lui ? Nous verrons dans un premier temps les éléments inhérents à la conscience, susceptibles d'engendrer une insatisfaction permanente. Puis nous examinerons les conséquences d'un défaut de conscience sur notre existence et notre personnalité, afin de déterminer si le qualificatif d'obstacle au bonheur ne peut pas être révisé.
I. La conscience malheureuse
Qu'elle soit réfléchie ou morale, la conscience possède en elle-même les éléments nous empêchant de jouir pleinement de l'existence.
1. La conscience individuelle
La conscience, au sens psychologique, nous donne la représentation mentale de nous-mêmes. À la différence des simples choses naturelles, nous avons de notre existence et de certaines de nos caractéristiques une saisie réfléchie. Ce que Hegel appelle le mode du « pour soi ».
Cela a pour conséquence que nos défauts, ou ce que nous jugeons être tels, nous sont en partie connus. Cela nous donne aussi un sentiment de solitude ou d'isolement. Voir en effet que les choses de la nature n'existent pas comme nous revient à constater que nous en sommes distants d'une façon fondamentale et existentielle. Nous sommes donc à