La controverse de valadolid : théologico-politique : théocratie et droit naturel
L’Empire romain germanique, comme du reste tout le monde médiéval, se fonde sur la complémentarité de la potestas (le pouvoir séculier de l’Empereur) et de l’auctoritas (le pouvoir spirituel du pape). Mais, alors que l’Empereur ne règne qu’à l’intérieur de frontières bien délimitées, le pouvoir du pape prétend valoir pour le monde entier. Dès lors la papauté s’impose comme la plus haute autorité internationale et s’arroge le droit de délivrer aux puissances temporelles des mandats d’évangélisation comme de colonisation. Si bien que, lorsque les conquérants espagnols prennent possession d’une nouvelle terre, ils font lire aux populations indigènes le Requerimiento, par lequel le pape accorde au roi d’Espagne (en l’occurrence Charles Quint) la souveraineté sur les nouvelles terres et leurs habitants[11] [11] G. Gusdorf, Les Sciences humaines…, p. 417. ... suite. Ainsi la colonisation a-t-elle pour justification officielle l’extension du royaume de Dieu. Il est significatif que l’année 1492 marque à la fois la découverte des Amériques par Colomb et la reconquête de Grenade sur les Maures, laquelle vient en quelque sorte concrétiser la devise de Charles Quint : « paix aux chrétiens, guerre aux infidèles ». Ces deux événements manifestent l’extension du catholicisme et viennent compenser la progression du protestantisme en Europe. Cet expansionnisme chrétien justifie la constitution des empires coloniaux espagnols et portugais qui se partagent l’Amérique et l’Afrique par le traité de Tordesillas (1494) au grand dam des autres princes de l’Empire.
12 Dans ce contexte, l’opposition de Sepúlveda et de Las Casas recouvre celle de l’augustinisme politique et de la théorie encore balbutiante du droit naturel. Pour Augustin qui réfléchissait sur la chute de l’Empire romain, seul le christianisme pouvait sauver la cité en fondant l’autorité temporelle sur celle de Dieu. Augustin distinguait cependant les prérogatives du