La fable et l'apologue
La fable est un genre double : elle appartient en même temps au grand genre du récit (conte, fabliau, etc.) et à celui de la littérature d’idées. (aphorisme, maxime, proverbe). Or ces deux genres, de même que l’huile et l’eau, éprouvent quelque difficulté à se mélanger. En effet le récit suppose des personnages bien identifiés, la morale parle pour l’humanité entière ; le récit a un début et une fin, la morale est intemporelle. Ésope et Phèdre résolvaient cette difficulté en sacrifiant le récit à l’idée : il devenait un simple exemple sans intérêt en soi, sans valeur autre que celle d’illustration de la moralité.
Le projet de La Fontaine est très différent : il s’agit non pas de soumettre le récit à l’idée qu’il est censé illustrer, mais de jouer sur la tension entre les deux genres pour donner une force nouvelle à la fable. Il a donc développé l’art du récit, en même temps qu’il lui a donné une valeur souvent plus philosophique que purement morale. En somme chez lui, « l’apologue est un mélange instable » (Jean-Michel Messiaen), toujours au bord du