" Il y a les sceptiques - c'est moi tout seul , - qui dis vous êtes tous des bons jobards, Hitler n'a pas pu casser les reins à Staline, c'est vrai, grosse déception pour le capitalisme mondial et pour les dames qui donnent à la quête, mais il a quand même fait du bon boulot, ne serait-ce que toute cette Europe cassée qu'il va falloir rebâtir, tout ce bon matériel de guerre envolé en fumée ou coulé au fond de l'onde amère, ça a déjà fait circuler pas mal de fric, ça n'a pas fini. Staline n'est pas assez con pour se lancer dans la révolution universelle, c'est bon pour des Lénine, des Trotski, Staline a une bonne place, il vient de se la consolider, du granit, il s'est nommé maréchal de l'URSS, maintenant il est vieux, il est fatigué, il s'est bien marré, il va se regarder dans la glace avec son bel uniforme et manger des gaufrettes, ça m'étonnerait même qu'il vienne jusqu'ici. Vous en faites pas, ça se terminera entre bons compères, comme celle de Quatorze, tu me donnes Varsovie, je te donne Ouagadougou, tout le monde encule tout le monde et au bout du traité il y a la Troisième Mondiale, automatique, la routine."
François Cavanna, Les Russkoffs, Prix interallié, 1979
"(En 1945) Toutes les conditions semblent réunies, institutionnelles, politiques, psychologiques, pour préserver la liberté et la paix.
Or, moins de deux ans après, les vainqueurs sont désunis; le terme "désunis" est même faible pour caractériser la situation de 1947. Deux blocs hostiles se dressent l'un contre l'autre dans une forme de guerre inédite pour laquelle on a été obligé d'inventer un nom, plus exactement une image, celle de la guerre froide. La situation de 1947 est aussi différente que possible de ce que le monde espérait en 1945."
René Rémond, Le XXe siècle de 1914 à nos jours, p. 170-171