La liberté guidant le peuple
Les bruits de la bataille qui faisait rage autour de lui lui firent reprendre ses esprits. Les balles fusaient ; les cris retentissaient ; le râle des agonisants se mêlait au chant de guerre de la Patrie ; les pleurs disparaissaient sous les crissements des épées que l’on croisait et les bruits sourds de la Révolution montante atteignaient peu à peu son esprit troublé. Il ouvrit péniblement les paupières découvrant la scène de chaos dans laquelle il se trouvait. Commerçants ; banquiers ; paysans ; artisans ; tout le petit peuple s’armait face à une horde de gardes royaux alors que les cadavres et les corps mourants, s’entassant à même le sol, se faisaient piétiner par la foule révoltée. Cette vision cauchemardesque lui fit douter de la réalité du moment. Il en vint même à croire qu’il se trouvait encore en plein songe. Il frémit, referma les yeux, puis les fragments du passé se reconstituèrent peu à peu dans son esprit. Il se remémora l’auberge ; le sol graisseux ; les rires ; l’odeur âpre de l’alcool et, le verre de trop. Encore un verre pour oublier sa vie pathétique d’artiste méconnu et sans talent. Encore un verre pour se jeter soir après soir dans la soûlerie et l’abus des femmes. La vie de débauché qu’il menait ne lui avait pas permis ce soir-là de payer ce dernier verre et s’étant fait extirper de son tabouret, il s’était retrouvé une fois de plus sur le trottoir. Sa chemise poisseuse portait à présent la marque rougeâtre de la vinasse bouchonnée, mais son oeil vitreux semblait bien trop embrumé pour le remarquer. Dégoûté d’avoir en main un verre vide ,tout en étant persuadé de ne pas l’avoir bu, il traîna sa haine et son corps imbibé d’alcool à bas prix sur les pavés de Paris. Enfin, étant arrivé à un endroit où, lui semblait-il, personne ne viendrait troubler son sommeil délicat, il s’endormit.Et c’est là, dans cette plaine sans forme, qu’il s’était réveillé au milieu de cet enfer. Plus conscient à présent de la