la modernite
(Charles Baudelaire)
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INTRODUCTION
Le mot « modernité » est omniprésent dans le discours social. Réservé jadis aux experts et aux intellectuels, il est employé couramment aujourd’hui par les journalistes, les publicitaires, les politiques, les personnels d’entreprise, et même l’homme de la rue. Il a non seulement séduit toutes les catégories de la population, mais envahi tous les domaines d’activité, pénétré toutes les disciplines : on parle aussi bien de modernité dans le secteur des sciences que dans celui des arts, de l’industrie, de la communication, de l’éducation, des transports, du sport, de la mode, etc. Prenons quelques exemples puisés au hasard. Telle exposition de peinture aura pour titre : « Picasso : la modernité à l’œuvre ». Tel politicien de l’opposition, reprochera au pouvoir en place d’avoir « manqué le train de la modernité ». Telle université sera distinguée pour « la modernité de ses infrastructures ». Tel hebdo engagé parlera de la
« modernité du mariage gay », etc.
Mais que recouvre au juste le terme de modernité ? S’agit-il d’un concept philosophique – et si tel est le cas, quelle signification lui donner ? – ou au contraire d’un mot creux destiné à masquer le vide de la pensée ?
D’après Pierre Macherey, « le concept de modernité reste flou », et, ajoute-t-il,
« on peut même supposer qu’il tire en grande partie son efficacité de cette indécision qu’il exploite savamment ». Il est vrai qu’il est malaisé d’en cerner les contours. Si l’on se réfère à l’étymologie du mot – modernus veut dire
« récent, actuel » – la modernité désignerait donc la contemporanéité d’une chose, l’actualité d’un phénomène. Serait « moderne », en ce sens, tout ce qui est neuf, ou plus exactement, compris dans le présent de mon énonciation, par opposition à tout ce qui est vieux, périmé, « dépassé », attaché aux temps anciens (celui des empereurs romains comme celui de mon arrière-grandpère).
Définir la modernité
Mais