La mondialisation et ses ennemis
Daniel Cohen, professeur d’économie à l’École Normale Supérieure et membre du Conseil d’Analyse Économique, avait déjà écrit en 1997 un des ouvrages les plus intelligents sur la mondialisation (Richesse du monde, pauvreté des Nations). Il récidive cette année en proposant une étude brillante, transversale et plutôt complète de la question. Il parvient à la fois à replacer la mondialisation dans son contexte historique, à donner une grille de lecture des différents modes de développement des États et à proposer une analyse claire des grandes questions contemporaines posées par la relation Nord-Sud (inégalités, croissance, sida, dette). La clé de la réflexion de Daniel Cohen repose sur un double constat. Tout d’abord nous vivons la 3e mondialisation ; ce phénomène n’est pas nouveau. La première mondialisation a eu lieu à la Renaissance, nourrie par les grandes inventions et la découverte du continent américain. La seconde a débutée au XIXe siècle et a reposé sur l’extension du commerce international dont les anglais ont été les principaux promoteurs. Celle que nous connaissons est la troisième, apparue dès la fin des années 1980, favorisée par les innovations, les NTIC et l’ouverture des barrières commerciales. Ensuite la réduction des coûts de transport n’est pas synonyme d’enrichissement global mais pousse à la concentration des richesses et au développement des agglomérations. Elle aiguise la polarité existant entre un centre et sa périphérie - reprenant en cela l’idée d’économie-monde de Fernand Braudel. Chaque pays doit devenir un centre économique, un lieu dense de production et de consommation, pour assurer son développement et ne pas dépendre uniquement de la division internationale du travail. La concurrence entre le Mexique et la Chine pour accueillir la production de biens industriels destinés au marché américain semble ainsi être en passe de tourner à l’avantage de la