Le lancement de “La peau de chagrin”, début août 1831, fut savamment orchestré par les éditeurs et l’auteur. Balzac, qui avait des entrées dans de nombreux journaux et revues, avait obtenu des directeurs et des confrères articles et notes alléchantes. Il rédigea lui-même un compte rendu publicitaire fracassant qui fut inséré dans “La caricature” du 11 août 1831, sous un pseudonyme : comte Alexandre de B.. La première édition ayant été épuisée en quelques jours, les éditeurs Gosselin et Canel mirent en vente la seconde, dès le mois de septembre. Tirée à mille deux cents exemplaires, composée en trois volumes et intitulée “Romans et contes philosophiques”, elle comprenait, outre “La peau de chagrin”, douze nouvelles écrites entre 1829 et 1831 et une introduction de Philarète Chasles. Le succès ne se relâchant pas, il y eut encore une troisième et une quatrième édition, en 1833 et en 1835. À cette date, du 16 mai au 4 juin, Balzac était à Vienne auprès de la famille Hanski. «L’étrangère» et son mari, flattés de connaître un romancier français, présentaient volontiers le phénomène à leurs amis. Non moins satisfait était Balzac de pénétrer dans une haute société qui, à Paris, ne se montrait pas du tout accueillante. Toutes ces mondanités l’enchantaient. C’est ainsi que, dans le salon des Hanski, il rencontra l’un de leurs plus vieux amis, le baron Joseph de Hammer-Purgstall. Membre de l’Académie de Vienne et de nombreuses sociétés savantes, extraordinaire polyglotte, connaissant l’arabe, le persan, le grec, l’italien, l’espagnol, le russe, auteur d’une “Histoire de l’Empire ottoman” en dix-huit volumes, cet orientaliste notoire s’était également réjoui de faire la connaissance de Balzac dont il était un grand admirateur. La rencontre eut lieu probablement le 24 mai 1835. La conversation fort animée de part et d’autre roula aussitôt sur “La peau de chagrin”. La disposition triangulaire des paroles inscrites dans la peau magique avait certainement été empruntée aux “Mille