La politique en danger de perdre le sens
>
>
>
>Nous attachons tous une importance primordiale au sens à donner à
>nos vies. Pour la grande majorité des gens, la tête et le cœur
>l'emportent sur le ventre. La culture, l'art, le langage, les
>signes, cet univers symbolique qui nous distingue de la vie animale
>est ressenti par nous tous comme notre plus grande richesse. Dans
>les champs de coton, pour ne pas s'effondrer dans la soumission, les
>esclaves déportés d'Afrique inventent le blues. Ils créent ainsi les
>conditions de leur grandeur et notre humanité à tous s'en trouve
>élargie. Personne n’échappe à cette urgence. On pourrait donc penser
>que parmi la foison des besoins sociaux auxquels les programmes
>politiques nous promettent de répondre au mieux, ces questions
>viennent en premier. C'est souvent l'inverse.
>
>La pensée conservatrice a une explication : il ne s'agirait pas
>d'enjeux politiques, mais de questions privées. Pour la pensée de
>gauche, l’appropriation par le plus grand nombre de l’héritage
>culturel et de la création artistique est au contraire souvent
>considérée comme un objectif social et politique. Cette option a
>joué un rôle déterminant dans l'élaboration de l’institution
>culturelle publique. Celle-ci naît en un temps où les classes
>populaires sont habitées par une vive espérance d'émancipation.
>Beaucoup de familles ouvrières croient dans l'élévation culturelle
>de leurs enfants. Le père, qui ne va pas au théâtre, envisage d'un
>bon œil que son fils ou sa fille accèdent un jour à cet art. Les
>villes ouvrières s'enorgueillissent de leur bibliothèque, de leur
>école de musique, de leur maison de la culture placées au coeur de
>la cité comme des flambeaux de l'émancipation humaine. Certes, leur
>fréquentation touche principalement la partie du peuple la mieux
>dotée, mais une dynamique est amorcée.
>
>Elle se casse au début des années 90. Une poignée de