La première gorgée de bière
Il faut savourer comme un moment de fête ce livre inclassable : une trentaine de récits de deux à trois pages consacrés aux bonheurs quotidiens les plus insignifiants. Mais quel art pour les faire partager !La première personne est proscrite, au profit de « on ». On, c'est vous, c'est moi, invités à nous griser délicieusement d'une odeur, d'un éclairage, d'une promenade ou d'une rencontre. Colette savait ainsi faire respirer l'odeur des pommes tombées de l'automne... De l'humour aussi dans quelques chroniques villageoises : la boutique de la marchande de frivolités, l'arrêt du Bibliobus. Des esprits chagrins pourront faire un mauvais procès à l'auteur pour un style très précieux. Mais quel plaisir de lire cet hymne aux joies simples, exprimées avec une sensualité rafraîchissante.Cette petite musique à l'agréable parfum du passé rappelle tout à fait les « bulles de temps pur » de Sundborn ou les jours de lumière (N.B. Oct. 1996, p.1264) a obtenu le prix des Libraires 1997.Notes Bibliographiques, une publication de l'Union Nationale Culture et Bibliothèques pour Tous.
Extrait:
" C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tous près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher. "
Petite remarque perso: Personne n'a jamais songé il me semble à décrire ainsi, en rendant toute l'émotion de l'instant, toute sa fragilité, toute sa nostalgie aussi parfois, ces tout petits riens qui pourtant s'impriment