La psychanalyse du feu de Gaston BACHELARD_chapitreV_Julien LAMY
(Editions Gallimard, réédition 1949)
CHAPITRE V :
« LA CHIMIE DU FEU : HISTOIRE D’UN FAUX PROBLEME »
(PP. 107-142)
Dans ce chapitre, Bachelard s’efforce de comprendre dans quelle mesure les intuitions du feu constituent un obstacle épistémologique. Il s’agit alors d’étudier les efforts de la connaissance objective vis-à-vis des phénomènes du feu (« pyromènes), ainsi que d’examiner l’application des intuitions du feu à l’explication d’autres phénomènes.
Bachelard développe alors la thèse selon laquelle le feu a été posé comme principe universel d’explication des phénomènes, sur la base de valeurs et de convictions enracinées dans l’inconscient humain, constituant ainsi un obstacle à l’étude scientifique des phénomènes matériels. Or le feu réunit deux types d’obstacles épistémologiques : l’obstacle substantialiste et l’obstacle animiste. Il s’agit de considérer le feu comme substance (la chaleur = qualité interne) et comme un être vivant (la chaleur = principe vital). Les deux valorisations substantialiste et animiste du feu s’articulent dans le « calorisme », qui se présente comme doctrine intermédiaire entre le matérialisme et l’animisme : la matière serait animée par un feu immanent, interne et caché, qui permettrait d’expliquer la totalité des phénomènes matériels (animal, végétal, minéral). Du point de vue substantialiste, la chaleur est pensée comme une propriété immanente au feu, qui serait caractérisé par une
« vertu calorifique », de même qu’on expliquait les effets de l’opium par une « vertu dormitive ». On est face à une fausse explication, qui se réduit à une tautologie. Dans cette perspective, il y a un « réalisme » du feu, qu’on considère comme une réalité première et permanente. Or la science abandonnera l’étude du feu, qui n’est pas un « objet scientifique », et montrera par une étude objective que la chaleur n’est pas une propriété substantielle, c'est-à-dire une chose permanente. Au contraire, la science