La raison et le réel
Cette excellente résolution risque, d'entrée de jeu, de rester lettre morte. Comment, en effet, allons-nous faire ? Comment pourrions-nous nous déprendre de nos illusions, puisque justement, s'il s'agit d'illusions au sens plein du terme, c'est justement parce que nous nous y laissons prendre (l'image ci-contre est (c) Black illusion) ?
Dans l'immédiateté de l'illusion, dans le présent instantané où elle nous leurre, nous sommes toujours sa dupe : il semblerait que cette fragilité constitue un caractère inhérent à notre condition même (voir ce cours pour confirmation) ; mais en même temps, nous devons en quelque manière nous montrer capables de distinguer nos illusions des idées correctes - sans quoi, nous n'aurions même pas de mot pour désigner "l'illusion". Séparer les illusions de nos idées correctes nous laisse de sérieuses raisons d'espérer les surmonter.
Comment, alors, notre pensée parvient-elle à séparer les illusions des idées correctes ? La première étape du processus consiste forcément à examiner ces idées et ces illusions, à les comparer ; et nous retrouvons ici un terrain connu. Nous savons déjà, en effet, que la pensée humaine présente cette qualité tout à fait extraordinaire : la capacité à s'examiner elle-même.
Cogito, ergo sum écrit Descartes (voir ce cours) : la pensée s'aperçoit d'elle-même. Elle ne se dédouble pas (comme dans la schizophrénie), mais elle se double, fait attention à elle-même : elle réfléchit. Miroir d'elle-même, elle se mire et, bien sûr, elle risque de s'avachir dans une autocomplaisance narcissique ; mais elle peut aussi, s'observant elle-même, scruter ses propres raccourcis, dénoncer ses propres approximations, tirer les leçons de ses propres erreurs, rectifier ses propres fautes de calcul, revenir sur ses propres préjugés. Peut-être ne parviendrons-nous à nous débarasser de nos illusions que après coup, a posteriori, trop tard, dans un sens ; mais - n'empêche ! - nous