La telerealité
La télé-réalité envahit nos écrans. Comment expliquer cet engouement? Quatre professeurs analysent le phénomène. par Serge Beaucher
Trois millions de personnes! Près de la moitié de la population du Québec en arrêt devant un écran de télévision, certains dimanches soir de l'hiver dernier, pour regarder les jeunes inconnus de Star Académie essayer de se transformer en vedettes de la chanson... Un million et demi de téléspectateurs dès le début d'Occupation double, en septembre, pour voir le visage défait du prétendant au grand amour éliminé par les prétendantes... Un million et demi également à la première de Loft Story, en octobre.
Décidément, depuis qu'elles ont envahi le paysage télévisuel, les émissions de «télé-réalité» ont la cote! Télé-quoi? Cette forme de télévision où des volontaires sont épiés 24 heures sur 24 par une batterie de micros et de caméras est un mensonge, affirment quatre professeurs de l'Université Laval, sans s'être concertés. L'étiquette «réalité» accolée à ces séries est très discutable, résument-ils; ce qui est indiscutable, par contre, c'est la puissance de l'image qu'elles mettent si bien en relief, et l'extraordinaire attrait qu'exerce la télévision sur les gens. Sans parler de la solution de facilité qu'elles constituent pour les producteurs, et des barrières de l'intimité qu'elles cherchent constamment à reculer.
La réalité fuit devant la caméra
Le mensonge vient du fait que ces séries tiennent autant de la fiction que du réel, alors qu'elles sont publicisées comme relevant de la pure réalité, explique Estelle Lebel, professeure au Département d'information et de communication: «On dit aux spectateurs qu'ils vont voir de la réalité, mais on leur montre des émissions construites, mises en scène, où les acteurs (beaux et jeunes) ont reçu une formation au moins minimale pour jouer devant la caméra.» Or, le téléspectateur ne regarde pas de la même façon quelque chose qu'il sait être de la fiction