La trame conjugale de kaufmann
Analyse du couple par son linge
Jean-Claude Kaufmann
Introduction :
Il existe un lien fort unissant l’eau, la femme et son linge. Par exemple, le trousseau n’est pas seulement une dot féminine mais aussi annonciateur du destin, le mode féminin de préparation au mariage, la marque de l’honneur de la ménagère au moment de sa mort et un instrument de promotion sociale ; en ce sens, il symbolise l’omniprésence du linge dans la vie des femmes. La symbiose identitaire de la femme et du linge peut aussi s’observer lorsque la jeune fille brode sur son linge ses propres initiales, de son propre nom de femme avec du fil rouge, couleur de sang.
Au XIXe siècle, la conjonction de l’accumulation du linge et d’une exigence plus grande d’hygiène impose la mobilisation d’une véritable armée de travailleuses : laveuses, blanchisseuses, repasseuses, lingères, couturières ; et toutes ces femmes créent peu à peu une nouvelle industrie. Puis, le XXe siècle accompagne un repli sur le foyer des femmes avec le progrès de l’eau courante : la lessiveuse de ménage se diffuse après la Première Guerre mondiale et installe le nouvel ordre domestique de l’entretien du linge. Dans les années 1960, avec le bouleversement des rôles domestiques, il y a un brouillage des positions sexuelles pour le lavage voire l’étendage tandis que le tri, la couture et le repassage reste toutefois l’affaire des seules femmes.
La construction identitaire passe par l’affirmation que l’on est propre, l’exigence du rangé n’ayant pas la même force d’imposition. Ainsi, la frontière du propre et du sale doit être nette et automatique. Cependant, comme il existe différentes manières d’être propre, les couples cherchent donc à s’unifier autant que faire se peut. Ces différences complexifient la gestion du quotidien, n’interdisant pas toutefois la construction des évidences des gestes. Le domaine de la propreté est inquestionnable : nous protégeons nos petits