La tyrannie du corps ideal
[…] Quels processus sociaux ont favorisé la mise ne place du “mince au milieu de l’abondance”?, s’interroge Annie Hubert, anthropologue. Elle rappelle que le corps féminin est, depuis longtemps, l’objet de contraintes esthétiques.
Les pieds bandés des Chinoises de la haute société – une coutume qui a duré cinq siècles -, les lèvres des femmes africaines déformées par des plateaux de bois, l’élongation du cou par des colliers chez les Karens d’Asie, en fournissent quelques exemples. L’Europe est aussi touchée, avec les corsets et les tailles de guêpe, puis les talons hauts et les chaussures étroites qui déforment le pied. Ce sont majoritairement les corps des femmes qui sont soumis à ces contraintes, les pratiques de déformation étant rares chez les hommes. En Occident, la libération du corps féminin est venue du monde anglo-saxon. Des mouvements souvent apparentés au féminisme, ont jeté aux orties le corset. Les femmes peuvent enfin respirer normalement, avoir un tour de taille supérieur à 50 cm et rester belles.
Cette libération s’est révélée de courte durée, car la contrainte mécanique a été remplacée progressivement par une contrainte intériorisée qui prône la minceur en rejetant le gras. Le carcan matériel a été remplacé par un carcan moral de plus en plus