Schopenhauer, extrait de l'Art d'avoir toujours raison. « La vanité innée, particulièrement irritable en ce qui concerne les facultés intellectuelles, ne veut pas accepter que notre affirmation se révèle fausse, ni que celle de l’adversaire soit juste. Par conséquent, chacun devrait simplement s’efforcer de n’exprimer que des jugements justes, ce qui devrait inciter à penser d’abord et à parler ensuite. Mais chez la plupart des hommes, la vanité innée s’accompagne d’un besoin de bavardage et d’une malhonnêteté innée. Ils parlent avant d’avoir réfléchi, et même s’ils se rendent compte après coup que leur affirmation est fausse et qu’ils ont tort, il faut que les apparences prouvent le contraire. Leur intérêt pour la vérité, qui doit sans doute être généralement l’unique motif les guidant lors de l’affirmation d’une thèse supposée vraie, s’efface complètement devant les intérêts de leur vanité: le vrai doit paraître faux et le faux vrai.» (A. Schopenhauer, L’art d’avoir toujours raison).
Dans cet extrait de L’art d’avoir toujours raison, Schopenhauer se demande pourquoi, dans les débats, les protagonistes sacrifient le plus souvent l’intérêt de la vérité au profit des faux semblants. N’est-ce pas, en principe, pour faire triompher une idée vraie à nos yeux que nous participons à un débat? Comment comprendre que les choses se passent autrement ? Partout les débats se présentent comme des combats : il faut à tout prix que celui qui défend une thèse ait raison même s’il découvre, au cours de la discussion, qu’il a tort. Cette situation est-elle irrémédiable? On peut le craindre car les causes qui expliquent la conduite des débatteurs sont, nous précise l’auteur, «innées», autant dire logées au plus profond de la nature humaine. Naturellement médiocres, les hommes semblent en effet condamnés à ne jamais pouvoir vivre autrement que dans l'hypocrisie, le mensonge et l'illusion. Nous débuterons notre étude par un approfondissement de cette notion de médiocrité naturelle.