La verité et la fable
L’allégorie est double ici : elle se présente sous la forme d’une double personnification de la fable et de la vérité, c’est-à-dire d’un genre et d’une valeur en apparence opposés. Toutes deux sont représentées sous la forme de deux femmes diamétralement opposées par l’âge et la tenue. Les deux premiers vers réactivent un proverbe éculé, « la vérité sort du puits », grâce au passé simple, à l’indication de temps « un jour » et à la personnification.
L’adage impersonnel perd son abstraction.
La vérité est « toute nue » : le fabuliste rajeunit une formule courante en la prenant au pied de la lettre
(l’expression sera reprise au vers 22). Le dénuement de la vérité est symbolisé par l’hyperbole et la brièveté du vers impair, qui inaugure l’apologue ; le fabuliste joue sur le double sens du qualificatif « pauvre » (v. 5), ici antéposé (sens économique, mais aussi expression de la compassion du narrateur). L’absence de vêtement explique la réplique du vers 13, « je gèle ».
À l’inverse, la fable est « vêtue » : à la pauvreté de la première répondent le « richement vêtu » du vers 8, les ornements et les bijoux (v. 9), l’éclat (« brillants », v. 10), le « manteau » du vers 25. On notera la restriction du vers 10 (« la plupart faux ») qui rappelle le caractère hybride de la fable, mixte de vérité et de mensonge.
Alors que la vérité est seule et rejetée de tous (vers
4, 6, 14, 16), la fable est « fort bien reçue » (v. 20) et trouve l’asile « en vain » recherché par la vérité (v. 6).
Enfin, elle a perdu sa beauté (long alexandrin du vers 3 scandé par l’allitération en « t » qui suggère les atteintes du temps) : la cause est imputable à sa vieillesse, à son apparence de « vieille femme » (v.