La capitulation des députés à l’Assemblée Nationale le 3 juin 1958 en donnant les pleins pouvoirs à De Gaulle met fin à la conception du régime républicain fondée par l’issue de la crise de 1877, c'est-à-dire l’omnipotence du parlement représentant le peuple souverain dans les institutions. De Gaulle, en effet, dans son discours de Bayeux du 18 juin 1946, avait exprimé ses conceptions institutionnelles : le chef de l’Etat, qui était réduit jusque là à des fonctions représentatives, doit devenir la clé de voute du pouvoir exécutif, celui-ci se trouvant par ailleurs débarrassé de la tutelle du pouvoir législatif et des partis. Le gouvernement provisoire qu’il a nommé en attendant de nouvelles élections rédige une nouvelle constitution. Les partis politiques, discrédités par les échecs de la IVème République, et l’opinion publique, qui a plébiscité le retour au pouvoir du général et est majoritairement antiparlementaire à cause de l’impossibilité de la IVème République d’empêcher une situation de quasi guerre civile larvée autour de la question algérienne, approuvent le nouveau projet constitutionnel. De Gaulle semble avoir les mains libres. Le 28 septembre 1958, environ 80 pourcent des votants approuvent la création de la Vème République, qui, tout en maintenant une forme parlementaire, n’en accorde pas moins la primauté à un président de la République. Cette ambigüité institutionnelle laisse des lectures différentes de la pratique du pouvoir. Comment les pratiques de la V ont-elles été infléchies dans une vision étrangère à la volonté originale de son fondateur ? Les institutions de la Vème République créent une véritable révolution copernicienne de la culture républicaine : le président de la République est la clé de voûte des institutions, le pouvoir parlementaire est affaibli, mais le texte constitutionnel laisse planer une ambigüité durable quand à la pratique du pouvoir. Du temps de son fondateur, la pratique des institutions est conforme