Le bonheur de vivre
- Je regarde Antoine Nahas: Parfois, je vois son visage avec clarté, ses traits, son expression, son regard. D’autres fois, je le regarde sans le voir. J’entends sa voix, j’écoute ses paroles et je reconstruis moi-même sa silhouette, les traits de son visage, l’expression de ses yeux car cet homme m’a gravé, il m’a appris le bonheur de voir sans vue, le bonheur d’avoir un regard sans regarder.
- Chaque épreuve avec mon fils Omar me terrifie. C’est une peur qui vit en moi depuis des années ; tantôt je la nie, tantôt je l’exorcise. Parfois je suis troublé, d’autres fois ému. Je le regarde, il me fixe dans les yeux ; j’apprends le bonheur d’exister.
- Par une nuit d’été, assis à mon balcon, un verre à la main, je pense à l’itinéraire de ma vie : mes échecs, mes occasions ratées, mon passé et mon futur. Je pose mon regard sur une fleur de géranium, moitié rouge moitié orange sous l’effet de l’éclairage. Je me souviens l’enfant hyperactif que j’étais et je vois l’homme que je suis aujourd’hui, contemplant patiemment, amoureusement, passionnément, pousser avec bonheur les fleurs de son jardin intérieur.
- C’était un tableau accroché dans le salon de mon maître, une œuvre achevée, un portrait d’un philosophe illuminé, son regard enflammé et perçant reflète avec clarté l’âme du peintre. Et me voilà devant ma toile blanche, séduit et fasciné par ce regard, cherchant, tâtonnant, essayant de capter l’expression. Enfin et après de multiples efforts, je témoigne la naissance de mon propre tableau. C’est le travail de mes propres mains, c’est le cheminement de ma volonté, c’est mon bonheur.
- Je fais partie d’un groupe d’amis, qui cultive l’art de penser pour transformer chaque instant de la vie en art de vivre, honoré par l’esprit. Apparemment, les mêmes personnes se réunissent depuis des années pour penser, c’est une sorte de rituel. Ces réunions répétées sont pareilles au cycle de la vie où le soleil se lève chaque jour, la nuit tombe