Le cinéma français (1895-1914) : un loisir populaire
Dès son invention par les frères Lumière en mars 1895, le Cinématographe s'annonça comme un véritable phénomène de société. Aux enthousiasmes initiaux succédèrent des polémiques passionnées. L'incendie du Bazar de la Charité à Paris le 4 mai 1897 en fut une parfaite illustration. Pendant cette kermesse mondaine organisée par les dames de la haute société au bénéfice des pauvres, une projection défila. Au cours de cette projection, une erreur de manipulation déclencha un incendie où plus d'une centaine de personnes trouvèrent la mort. Les autorités religieuses en profitèrent pour fustiger le danger des progrès d'une science qui se développait hors des lumières de la religion. La bourgeoisie vit dans ce châtiment la justification de son mépris à l'égard de ce divertissement grossier, de cette attraction de foire.
Le cinéma était en effet dès ses origines accessible aux classes populaires, tandis que le théâtre était encore associé à l'élite locale. Nous nous sommes intéressés sur les raisons qui ont permis sa fleuraison dans les milieux les plus difficiles, et surtout sur l'impact qu'il a pu avoir sur la vie des gens issus de ces couches défavorisées. Enfin, nous avons voulu montrer que le cinéma, à la fois une industrie et un art, a su s'adapter à son public et réussir le pari de conquérir une clientèle de plus en plus large et de plus en plus fidèle.
Alors que quiconque aurait pu penser que le cinéma, parce que c'était un art nouveau et plus onéreux que le théâtre en raison de ses coûts de production, serait à sa naissance un loisir de luxe, il n'en était rien. Les améliorations des conditions de travail de l'époque : journée de huit heures, repos hebdomadaire, augmentation des salaires … donnèrent du temps et de l'argent aux ouvriers pour s'accorder un loisir. Le prix attractif d'une séance de cinéma de 1 franc pour assister au défilement d'images capturées