Le clonage
Un point de vue iconoclaste, ou une démarche de prudence, tirant argument de notre ignorance sur les vraies conséquences du clonage humain.
Par Luc Ferry.
Nous sommes en démocratie et pour interdire légalement une pratique qui pourrait dans certains cas relever de la seule sphère privée, il faut au moins produire des raisons convaincantes et ne pas s’en tenir à un simple réflexe. D’autant que le problème n’est pas de savoir si, à titre personnel, j’éprouve un sentiment de répulsion à l’égard du clonage, mais d’exhiber des motifs valables de l’interdire aux autres.
On peut, pour donner un exemple qui n’a rien d’absurde, être à titre privé hostile à l’avortement et se féliciter qu’une loi l’autorise pour celles qui le souhaitent. Osons donc poser crûment le problème, malgré le consensus quasi fanatique qui tend à le recouvrir : au nom de quoi faudrait-il, tout bien pesé, rendre illicite dans tous les cas de figure (et non seulement dans ceux qui sont évidemment contraires aux droits de l’homme) le clonage des êtres humains ?
On fait appel d’ordinaire à deux arguments, dont il faut bien avouer qu’ils apparaissent, même après une réflexion fort brève, d’une extraordinaire indigence. Dans le registre de la science-fiction, on évoque inlassablement l’hypothèse de malheureux clones utilisés pour servir de banque d’organes à telle de leurs répliques. Mais qui ne voit que cette éventualité est ici tout à fait hors de propos ? Non qu’elle soit intrinsèquement impensable, mais de deux choses l’une : ou bien le clone vivrait dans un Etat de droit et on ne voit pas par quel miracle il n’aurait pas le même statut que les jumeaux naturels (pour être clone, on n’en est pas moins homme) ; ou bien il naîtrait par l’effet d’une dictature totalitaire, et, s’il est une certitude, c’est que ni les avis des comités d’éthique ni les mises en garde des démocraties n’arrêteraient la folie des tyrans !
On dit encore que la duplication à