Le corbeau, Corbière T
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
... Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré là, sous le massif...
– Ça se tait ; Viens, c’est là, dans l’ombre...
– Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... – Horreur !
– Il chante. – Horreur ! ! – Horreur pourquoi ?
Vois-tu pas son oeil de lumière...
Non, il s’en va, froid, sous sa pierre.
I. Un univers proche du romantisme noir
(Le romantisme noir est une variante du romantisme attachée à des univers particulièrement sombres, aux résonnances étranges et fantastiques, voire satanistes.)
1. Une atmosphère étouffante
- La phrase initiale du poème plante le décor : « Un chant dans une nuit sans air… ». « nuit sans air » plonge d'emblée le lecteur dans une atmosphère lourde et étouffante. Il y a une contradiction à « chanter » sans air (le son ne peut circuler). Double-sens possible du mot « air » (air que l'on respire ou air que l'on chante) d'où une contradiction flagrante : un chant dans un nuit sans « chant » !
- Thème de l'enterré vivant : enjambement « Tout vif/ Enterré, là », « froid, sous sa pierre »
- Un monde plongé dans l'obscurité : « nuit », « ombre », « sombre ». La lumière est circonscrite à la « lune », une « plaque en métal clair » et à l'œil « de lumière », difficile à apercevoir (« Vois-tu pas son œil de lumière…/ Non »)
2. Une promenade amoureuse qui dégénère
- « Moi, ton soldat fidèle » et les tirets suggèrent un dialogue amoureux.
- Une nature froide, peu romantique : la lune semble pâle, les éléments naturels semblent froids : « métal », « pierre ».
- Animaux « monstrueux »: le Crapaud qui provoque la répulsion, le « poète tondu » (animalisation du poète), « Rossignol de la boue » (sorte de contradiction, le rossignol étant un oiseau qui charme par son chant)
- Une montée de l'angoisse : le démonstratif « ça » à valeur