LE desir

Introduction

La philosophie a un lien constitutif avec le désir, puisqu’elle tire son nom du désir qui l’anime : philosophie, on le sait, signifie en grec amour de la sagesse, et Socrate, qui ne cesse de rappeler que tout son savoir se limite à savoir qu’il ne sait rien, admet une exception en se présentant comme un spécialiste d’Érôs.
Pourtant, tout en reconnaissant dans le désir le moteur du mouvement qui l’anime, la philosophie n’a cessé d’en dénoncer certains de ses effets. Oui, depuis le début, le désir apparaît comme problématique et même peut-être comme la source de tous nos problèmes, de toutes nos souffrances personnelles et de tous nos conflits interpersonnels.

1 Désir et désirs

Commençons par remarquer qu’il n’y a pas un désir, Le Désir, mais des désirs extrêmement diversifiés et changeants : l’on peut en effet aimer et ne plus aimer, et même haïr à ce que, naguère, l’on adorait. Les désirs sont multiples, instables, et Platon, dans La République, les compare à une « bête multiforme et polycéphale [à plusieurs têtes] ».
Cette diversité et cette instabilité des désirs rendent difficile de les enfermer dans une définition commune, l’étude des désirs, plutôt que de répondre à la question « qu’est-ce que le désir ? » - question qui manifesterait le souci d’avoir enfin cerné le désir, peut-être d’en avoir fini avec lui – s’est développée en une analytique des désirs, s’efforçant de distinguer des espèces (des catégories ou encore des genres) variés selon leurs origines, et s’est prolongée par des tentatives d’ordonner les désirs, de les hiérarchiser et de les distribuer selon leurs effets, bons ou mauvais. L’étude des désirs s’est ainsi toujours doublée d’une perspective éthique, c’est-à-dire du point de vue de la détermination du bon et du mauvais, qui cherchait à établir une discrimination entre les différents désirs (quels sont les bons et les mauvais désirs ?), et d’une technique qui s’interrogeait sur la possibilité et les moyens