Le devoir de mémoire
En effet, la mémoire peut retenir ou au contraire exclure certains souvenirs, ce phénomène correspond donc aux problèmes rencontrés dans la formation d’une mémoire collective . Ainsi c’est un processus sélectif et variable, qui diffère selon les individus: il n’y a rarement qu’une mémoire mais des mémoires d’un même événement.
Comment après avoir rencontré longtemps l’indifférence, la mémoire de la Shoah s’est elle affirmée?
Dès le lendemain de la capitulation, la volonté d’opérer à une réunification nationale prédomine en France. Alors que 40% des déportés politiques sont de retour, seulement 2500 des 76000 déportés juifs français rentrent, ce qui signifie que seulement une infime partie des rescapés sont des rescapés raciaux de la déportation, adultes comme enfants juifs ayant subi durement l’horreur des camps: « ce qui caractérise les génocides c’est que l’on tue les enfants avec les adultes, parce que l’on ne veut pas laisser derrière soi de futurs vengeurs1 ». La Libération se veut être le triomphe de la Résistance nationale et la mémoire blessée de la déportation juive est ainsi « enveloppées de silence2 ». On constate une absence prononcée de la Shoah dans l’opinion publique, et le camp de référence de la déportation n’est pas Auschwitz mais Buchenwald. Le gaullisme et le communisme, grands vainqueurs, veulent eux établir une mémoire résistante et patriotique forte afin de reconstruire le pays3, ce qui est un obstacle majeur à la reconnaissance de la Shoah. L’idée que le gouvernement aurait participé à l’extermination des juifs en collaboration avec l’Allemagne nazi est en effet fortement répudié par une majorité des Français pour éviter un sentiment de honte vis a vis du regard de tous les pays du monde. Cette