Le diable au corps de radiguet
« Le Diable au Corps »
R. Radiguet
[Extrait du Diable au corps, page 55.]
« La saveur du premier baiser m’avait déçu comme un fruit que l’on goûte pour la première fois. Ce n’est pas dans la nouveauté, c’est dans l’habitude que nous trouvons les plus grands plaisirs. Quelques minutes après, non seulement j’étais habitué à la bouche de Marthe, mais encore je ne pouvais plus m’en passer. Et c’est alors qu’elle parlait de m’en priver à tout jamais. Ce soir-là, Marthe me reconduisit jusqu’à la maison. Pour me sentir plus près d’elle, je me blottissais sous sa cape, et je la tenais par la taille. Elle ne disait plus qu’il ne fallait pas nous revoir ; au contraire, elle était triste à la pensée que nous allions nous quitter dans quelques instants. Elle me faisait jurer mille folies. Devant la maison de mes parents je ne voulus pas laisser Marthe repartir seule, et je l’accompagnais jusque chez elle. Sans doute ces enfantillages n’eussent-ils jamais pris fin, car elle voulait m’accompagner encore. J’acceptai, à condition qu’elle me laisserait à moitié route.
J’arrivai une demi-heure en retard pour le dîner. C’était la première fois. Je mis ce retard sur le compte du train. Mon père fit semblant de le croire. »
Cet extrait est tiré du livre de Raymond Radiguet. Il raconte l’histoire de François et Marthe, amants impossibles, tentant maladroitement et naïvement de vivre leur histoire d’amour malgré l’engagement de Marthe auprès d’un soldat parti sur le front. Ce livre m’a bouleversée et ce passage en particulier m’a énormément plu. En effet, il me semble qu’il décrit succinctement mais d’une manière très clair l’état d’esprit général du livre, à savoir, la passion qui peux animer deux personnes malgré des interdictions. Cette passion omniprésente étant la base de leurs tourments, car, s’aimant passionnément, les deux amants trop jeunes pour pouvoir retenir cette passion l’exposent à la vue de tous, aux blâmes de la famille de Marthe, et au