Êtes-vous vraiment en train de lire un article sur la vérité ? Dans ses Méditations métaphysiques (1641), René Descartes avait imaginé qu’un malin génie pourrait nous tromper en permanence sur ce que nous percevons. Nous croyons avoir des yeux, des mains, des membres. Il n’en serait rien. Nous croyons qu’il y a des objets autour de nous. Tout cela ne serait qu’illusions et tromperies orchestrées par le malin génie. On connaît l’objection de Descartes à cet argument sceptique : le cogito puis l’existence d’un Dieu non trompeur. Tout doute radical est-il éliminé ? Non, bien sûr. Les sceptiques modernes ont répondu à Descartes et modernisé son argument. Maintenant, il est question de cerveau, de cuve et d’ordinateur. L’argument se formule ainsi : comment être sûr que vous n’êtes pas un cerveau dans une cuve, relié par des milliers d’électrodes à un puissant ordinateur qui simule toutes vos sensations ? Si vous n’en êtes pas sûr, alors vous ne pouvez pas exclure l’hypothèse que toutes vos croyances sur le monde extérieur sont fausses, même si elles paraissent justifiées.
Dans Raison, vérité et histoire (1981), le philosophe Hilary Putnam fut le premier à essayer de montrer qu’on ne peut pas être des cerveaux dans une cuve. Il commence par établir ce que veut dire faire référence à quelque chose. Si une fourmi dessine par hasard un portrait de Winston Churchill dans le sable, peut-on considérer que la fourmi fait référence à Churchill ? Non, répond H. Putnam. Pour faire référence à un objet, il faut qu’il y ait un lien causal entre la représentation et l’objet. Un mot ou un dessin ne réfère pas magiquement ou intrinsèquement à des choses. Imaginons maintenant que vous ayez toujours été un cerveau dans une cuve et que vous n’ayez donc pas eu de liens causaux avec le monde extérieur. Si vous affirmez que vous êtes un cerveau dans une cuve, vous ne faites pas référence à un véritable cerveau et à une véritable cuve mais à des stimuli particuliers. La proposition « Je suis