Le déréglement de tous les sens du poète .
Rimbaud est né le 20 novembre 1854, il a 16 ans lorsqu’il rédige la lettre destinée à Paul Demeny et dont est issu cette citation. Dans cette citation Rimbaud expose sa thèse à son interlocuteur , qui est, que la condition première pour être poète est le travail sur soi-même. La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Cela n’est pas simple car il faut se faire "l’âme monstrueuse", c'est-à-dire oser développer son âme de manière marginale pour échapper à la norme et sortir du cadre formel et formaliste des écrits ordinaires.
« Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. »
Le verbe « faire » rejoint la notion de travail, et Rimbaud expose ensuite les modalités de ce travail : « Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. »
C’est une voie expérimentale qui est ici proposée, qui passe par l’expérimentation de tous les moyens possibles pour accéder à l’inconnu et l’acceptation des douleurs qui s’ensuivent : ineffable torture qui requiert toute la foi, toute la force surhumaine. Dans cette posture, il se retranche du monde, se marginalise et devient entre tous "le grand malade, le grand criminel, le grand maudit".
Mais cette vision du poète est-elle bien réaliste ? N’est-elle pas trop réductrice ou au contraire ne valorise-t-elle pas trop la place qu‘occupe le poète ?
Ainsi dans une première partie nous nous intéresserons à cette conception du `‘’Poète-voyant ‘’et dans une seconde partie à ses limites.
La conception du ‘’Poète-voyant’’ est une conception novatrice qui surgit essentiellement au 19éme siècle. Dans l’Antiquité, le poète était celui qui était inspiré par les Dieux, par l’Oracle ou bien par les Muses. Il n’était alors qu’un élément qui servait à relater des faits. Mais au 19éme siècle, une nouvelle conception se créer; celle du ‘’Poète-voyant ‘’. Ainsi le poète n’est plus