Le goût des autres - benoit de l 'estoile
Si l’on ne juge pas un livre à la seule aune de ses retombées médiatiques, il convient toutefois de constater l’enthousiasme1 avec lequel a été accueilli le dernier ouvrage de Benoît de L’Estoile, révélateur, nous semble-t-il, de l’engouement qui accompagne aujourd’hui les travaux consacrés au regard porté par l’Occident sur l’Autre, à savoir ici le non-Occidental. À l’heure où la France s’interroge sur son modèle assimilationniste, et l’idée corollaire de « diversité culturelle », cette publication semble en effet tomber à point nommé.
2. Et s’impose déjà un constat : si plusieurs chercheurs ont consacré de brillantes études à la manière de penser l’Autre dans un cadre muséal2, si encore récemment une passionnante exposition a été organisée au musée du quai Branly sur l’histoire du regard3, force est toutefois de constater que le sujet ne bénéficiait pas d’une étude synthétique et générale. Et nombreux sont ceux qui, unanimes, partagent l’idée que le travail de Benoît de L’Estoile vient combler une lacune. Enthousiasme auquel nous nous joignons, non sans toutefois quelques réserves.
3. Comme l’auteur le précise dès les premières pages : « Ce livre a en partie été suscité par les questions qui ont entouré l’émergence du projet du musée du quai Branly, mais ne lui est pourtant pas, à proprement parler, consacré ; il n’en propose ni une histoire ni une ethnographie. Partant d’une interrogation sur le sens qu’ont les musées des Autres dans le monde postcolonial qui est le nôtre, il se propose plutôt de prendre le musée comme une entrée privilégiée pour une anthropologie du goût des Autres4. »
4. Que ce « goût des Autres » ne soit pas le seul apanage des musées, l’auteur en convient aisément, rappelant, si besoin était, que la musique, la décoration et la cuisine (pour s’en tenir à ses trois exemples) ont tôt fait d’assimiler les multiples influences de l’Ailleurs, pour leur plus grand bénéfice culturel... et commercial.