Le journal le monde
STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP
Portrait d’un quotidien
par Eric Fottorino
A
près soixante-cinq ans d’existence et quelque vingt mille numéros publiés, Le Monde a sans doute rempli l’essentiel de la mission que lui avaient assignée ses « pères fondateurs » en 1944, le général de Gaulle et Hubert Beuve-Méry. Devenir un quotidien de référence. Se tenir le plus possible à distance des querelles partisanes et idéologiques (l’exercice fut parfois difficile, voire impossible…). Tenter de se hisser au-dessus de la mêlée pour dégager les grandes lignes de compréhension du monde contemporain. Au fil du temps, des années, des décennies, des générations même, notre journal s’est fait le sismographe méticuleux des bouleversements, sourds ou spectaculaires, de la planète. Et ce n’est pas un hasard si l’étranger ou l’international ont d’emblée tenu lieu de colonne vertébrale, c’est-à-dire éditoriale, du quotidien.
Aujourd’hui encore, avec son réseau unique de correspondants à travers le monde, des Etats-Unis à l’Asie en passant par la Russie, avec ses pages introduites à l’automne 2008 sur les grands enjeux de la planète (du développement durable à la démographie, des migrations à l’économie des savoirs), Le Monde se veut une clé intelligente d’explication du monde tel qu’il va, tel qu’il fut et surtout tel qu’il vient. De ce fait, et nonobstant les technologies numériques, le quotidien papier trouve chaque jour 36 000 acheteurs hors de nos frontières, une position unique dans le paysage français. Bien sûr, notre journal fut un spectateur, pour ne pas dire un acteur, de la vie politique et sociale – et même sociétale après 1968 –, qu’il n’a cessé de commenter, d’analyser, contestant ici, accompagnant là. De la deuxième moitié du XXe siècle vue par Le Monde, on retiendra le combat pour la décolonisation, pour les droits
de l’homme, pour l’humanisation du monde des prisons, pour la modernisation du système judiciaire, de l’école et des universités, pour la