Le mal comme œuvre de l’homme : la profession de foi du vicaire savoyard
I) Une vie marquée par l’expérience du mal (1712-1778)
(Notice biographique orientée dans la direction du thème – sources diverses, notamment Les Confessions, la notice de la Pléiade, le Découvertes Gallimard consacré à
Rousseau, le hors série du Nouvel Observateur paru au cours de l’été 2010)
1) Les années de jeunesse (1712-1745)
a) Les années auprès du père (1712-1721)
Rousseau naît le 28 juin 1712 à Genève. Son père, Isaac, est un horloger sans fortune mais doué. Sa mère, fille d’un ministre protestant, Suzanne Bernard, meurt des suites de l’accouchement le 7 juillet. Le père de Rousseau a été nommé horloger du sérail de
Constantinople. Pendant son absence, sa mère se languit sans remettre en cause sa vertu, et supplie son mari de revenir : « Je fus le triste fruit de ce retour. Dix mois après, je naquis infirme et malade ; je coûtai la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier de mes malheurs. » On voit ici s’articuler une expérience inaugurale de souffrance physique (la faiblesse de la constitution) et morale (l’absence de mère), et de culpabilité.
Rousseau fait l’apprentissage de la lecture (Bossuet, Plutarque et sa Vie des hommes illustres, source essentielle d’exemples vertueux, mais aussi Ovide, Fontenelle, Molière). La lecture devient une passion frénétique chez lui. Il y trouve, et ce de manière définitive, « la conscience de [lui-même] ».
Un frère nommé François, son aîné de sept ans, tourne mal, et disparaît définitivement en 1722. Il est présenté comme un libertin qui suscite la colère et les coups de son père.
Rousseau se décrie a contrario comme un enfant facile et peu porté au mal : « J’avais les défauts de mon âge ; j’étais babillard, gourmand, quelquefois menteur. J’aurais volé des fruits, des bonbons, de la mangeaille ; mais jamais je n’ai pris plaisir à faire du mal, du dégât, à charger les autres, à tourmenter de pauvres animaux. » Le seul