Le modèle sud américain
Paul Cliche
Directeur adjoint, Service des programmes internationaux,
Développement et Paix
Le point de départ
Au cours des trois dernières décennies, le modèle dominant de développement qui s’est imposé à l’échelle mondiale est celui du capitalisme dans sa version néolibérale ou ultralibérale. Ce modèle, faut-il le rappeler, s’est en tout premier lieu implanté en Amérique latine, plus précisément sous la dictature chilienne du général Pinochet au milieu des années 70. Il s’inspire des thèses libérales libre-échangistes du XIXème siècle, se fondant sur une foi inébranlable dans les vertus autorégulatrices du marché. Les politiques économiques néolibérales, qui ont été appliquées massivement et ont inspiré les plans d’ajustement structurel imposés aux gouvernements du Sud, ont impliqué une libéralisation de la circulation des capitaux, des privatisations souvent massives tendant à éliminer le rôle entrepreneur de l’État de même qu’une dérèglementation ayant pour effet de diminuer le rôle régulateur de l’État [1].
Durant cette période, nous avons observé un élargissement important de l’économie de marché qui s’est effectué à travers, d’une part, l’expansion géographique du marché vers de nouvelles zones telles que la Chine et, d’autre part, l’incorporation de nouvelles branches de production comme, par exemple, celles de la reproduction (bébés éprouvettes, mères porteuses, banques de sperme, etc.), de la communication (dans toutes ses dimensions) et de la culture.
Dans ce contexte, les entreprises, les réseaux d’entreprises et, en général, ceux qui ont l’emprise sur le capital sont parvenus à jouir d’une très grande marge de manœuvre. L’économie mondiale a été largement placée sous l’égide de grandes entreprises transnationales qui échappent pratiquement à tout contrôle social. On pourrait même affirmer que les politiques néolibérales ont constitué en quelque sorte la plate-forme politico-économique de