Le monstre a-t'il une place dans la société?
1. Le monstre se caractérise tout d'abord par sa différence. Cette différence est manifestée par la difformité physique, nous rappelle Claire Caillaud. La longue description que fait Victor Hugo de Quasimodo insiste particulièrement sur ses infirmités et ses malformations : le corps est complètement tordu et disproportionné, le visage est à lui seul une " grimace ". Cette difformité est aussi le lot d'Elephant Man. Elle l'oblige d'ailleurs à se soustraire au regard des autres avec une sorte de cagoule. Dans l'art, le monstre se définit par sa différence avec le monde quotidien, suivant Gilbert Lascault, et ces difformités sont tout naturellement la source d'inspiration de nombreux artistes, comme Bruegel, Bosch ou Grünewald, mais aussi comme Victor Hugo et David Lynch.
2. Par analogie, ces monstres symbolisent également la perversion morale. Leur infirmité, nous dit Claire Caillaud, est perçue comme le signe d'une méchanceté fondamentale dans la mentalité populaire. On voit bien ce glissement dans l'extrait de Notre-Dame de Paris où la foule dit de Quasimodo qu'il est " aussi méchant que laid ", et le personnage de Frankenstein est aussi bien monstrueux physiquement que moralement, puisqu'il avoue avoir commis bien des crimes. Pourtant, sa monstruosité morale n'est pas première : la créature rappelle qu'au début, elle était mue par des sentiments bienveillants envers les hommes, et qu'elle recherchait leur affection. Quasimodo, quant à lui, fait coexister dans sa personne monstruosité physique et qualités morales telles que le courage.
3. Mais l'assimilation de la difformité physique à l'immoralité fait que le monstre est systématiquement identifié à ce qui n'est pas humain : il est souvent comparé à un animal ou à une figure diabolique. Le nom d'Elephant Man nous le montre bien, et le cri de désespoir lancé par le personnage : " Je ne suis pas un animal…Je suis un homme " est une protestation