Le paradigme scientifique
Le paradigme scientifique : cadres théoriques, perception, mutation.
1. Définition du paradigme scientifique
Tel qu’il apparaît, protéiforme et utilisé dans une littérature actuellement innombrable et infiniment diverse – je veux dire une littérature développée aussi bien dans des domaines et sur des thèmes les plus variés –, le concept de «paradigme» se présente comme le concept d’un modèle de référence ou d’un exemple auquel se référer. En tant que modèle et exemple dans le domaine scientifique, le paradigme est un ensemble de règles ou de normes admises et utilisées par une communauté scientifique afin d’étudier les faits délimités et problématisés par ce paradigme. Très justement, Steve Fuller parle d’une «pièce exemplaire de recherche» (an exemplary piece of research) et du «photocalque qu’il procure à la recherche future» (the blue-print it provides for future research).1 Autrement dit, la simple rubrique «paradigme» représente «l’idée que la recherche scientifique est ancrée dans un exemple que les chercheurs utilisent comme un modèle pour de futures investigations».2 Le terme lui-même se rencontre peu (ou pas du tout) dans le discours des physiciens, bien qu’on puisse parler historiquement du paradigme aristotélicien ou du paradigme newtonien. Il se rencontre davantage dans les discours épistémologiques déployés, en particulier, sur la chimie et la biologie: c’est ce qui apparaît dans l’article de Jean Gayon, La génétique est-elle encore une discipline?3 Il faut constater cependant que l’utilisation du terme se multiplie d’autant plus qu’on s’éloigne d’une science rigoureuse. En effet, l’exigence ou le requisit d’un paradigme se fait ressentir dans les domaines privés d’un moteur interne de recherche qui soit immédiat, et auxquels, de ce fait, il manque d’emblée à la fois le modèle et les règles appropriées. J’ai remarqué une abondance de l’utilisation de ce terme