Le renouveau de la problématique nord sud
Jean-Robert Henry Juin 2002Les débats actuels pour une autre mondialisation et pour un autre développement réactivent une problématique, qu’on croyait désuète, celle des rapports Nord-Sud. Cette redécouverte est soulignée en ce début d’année 2002 par le choix symbolique des lieux de débat : Porto Alegre répond à New-York, qui a pris le relais de Davos. Monterrey est choisi pour un sommet des Nations unies sur le financement du développement. Et l’Unesco, un espace international « neutre » d’où les Etats-Unis sont absents, abrite la plus large réflexion menée depuis longtemps sur le développement et l’« après-développement ».
Mais si le constat de la fracture Nord-Sud sert à nouveau de symptôme aux dysfonctionnements du système mondial, et fait écho aux analyses et stratégies des années 70, les termes et les partenaires du débat ont beaucoup changé. Nous sommes engagés, semble-t-il, dans le troisième moment d’une réflexion sur le processus de mondialisation et les modes d’organisation du système planétaire, dont on ne sait pas où elle conduira exactement mais qui pourrait se révéler davantage qu’une résultante des deux étapes précédentes.
L’utopie du village planétaire
Un premier moment de la pensée mondialisante, curieusement refoulé aujourd’hui par beaucoup d’analystes – il demeure présent cependant dans la mémoire de nombreux témoins et acteurs –, fut celui d’une mondialisation optimiste ou euphorique. Consécutive au mouvement de décolonisation, elle était soutenue par l’idée d’un développement pour tous. Malgré le conflit Est-Ouest – ou peut-être comme sublimation de celui-ci –, l’utopie du « village planétaire » chère à Mac Luhan et Tibor Mende et le désir de mettre l’économie mondiale au service des hommes (François Perroux) ont fortement marqué la littérature développementiste francophone des années 60 et 70. Elle a inspiré de nombreuses politiques, à commencer par le tiers-mondisme gaullien, tel qu’il était