Le roman polyphonique
Pour asseoir convenablement notre analyse qui traite de la structure narrative de Révolutions de J.M.G. Le Clézio, nous tenterons d’approfondir notre réflexion sur la voix en posant quelques questions déterminantes autour de « la polyphonie » - dans cette partie de notre étude. Pour cela, nous avons cru nécessaire de solliciter principalement le point de vue du narratologue Mikhaïl Bakhtine qui a révolutionné les théories littéraires en introduisant, pour la première fois au sein du champ herméneutique, la polyphonie comme un phénomène essentiel et spécifique aux œuvres romanesques de Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski.
En effet, dans la Poétique de Dostoïevski, Mikhaïl Bakhtine considère son auteur préféré comme « le créateur du roman polyphonique [élaborant] un genre romanesque fondamentalement nouveau. » () S’inspirant du domaine musical, dans lequel la polyphonie désigne un procédé de composition qui consiste à superposer plusieurs lignes mélodiques selon les règles du contrepoint, le narratologue établit une subtile analogie entre le roman de Dostoïevski et cette situation musicale pour dévoiler « les nouveaux problèmes qui surgissent quand la structure [romanesque] sort de l’unité monologique habituelle, de même qu’en musique de nouveaux problèmes se firent jour lorsqu’on eut dépassé le stade du monovocalisme. » ()
Mikhaïl Bakhtine estime que le roman dostoïevskien puise son originalité dans un discours particulièrement plurivocal, « distribué sur [moult] instances discursives qu’un "je" multiplié peut occuper simultanément. » ()
Dans cette perspective, nous pouvons définir le roman polyphonique par le morcellement du « je » parlant, dans la mesure où le discours n’est pas proféré par un sujet indivisible, maîtrisant parfaitement des propos destinés à représenter son identité insécable, mais par un sujet « scindé », « constitué par son autre » (). Notre première définition fait ainsi écho aux observations de