Nietzsche remet en cause radicalement la conception classique qui fait de la conscience l'originalité de l'homme, lui affectant une dignité particulière au sein de la nature. Voici ce qu'il écrit à ce propos dans "La volonté de puissance": "Nous considérons que c'est par une conclusion prématurée que la conscience humaine a été si longtemps tenue pour le degré supérieur de l'évolution organique et la plus surprenante des choses terrestres, voire comme leur efflorescence suprême et leur terme. Ce qui est plus surprenant, c'est bien plutôt le corps. La splendide cohésion des vivants les plus multiples, la façon dont les activités supérieures et inférieures s'ajustent et s'intègrent les unes aux autres, cette obéissance multiforme, non pas aveugle, bien moins encore mécanique, mais critique, prudente, soigneuse, voire rebelle, tout ce phénomène du "corps" est, au point de vue intellectuel, aussi supérieur à notre conscience, à notre "esprit", à nos façons de penser, de sentir et de vouloir, que l'algèbre est supérieure à la table de multiplication". Dans "Le Gai Savoir", Nietzsche relativise l'importance de la pensée et de la conscience: "Nous pourrions en effet penser, sentir, vouloir, nous ressouvenir, nous pourrions de même "agir" dans tous les sens du terme: tout ceci n'aurait nullement besoin d'"entrer dans notre conscience". La vie entière serait possible sans pour autant se voir réfléchie: c'est effectivement ainsi d'ailleurs que pour nous la majeure partie de la vie continue à s'écouler sans pareille réflexion, -y compris même notre vie pensante, sensible, voulante- si malsonnant que puisse être ceci aux oreilles d'un ancien philosophe. Pourquoi d'ailleurs absolument de la conscience, dès lors qu'elle est superflue à l'essentiel?" A cette dernière question, Nietzsche, toujours dans "Le Gai Savoir", y répond de la manière suivante: "Je me trouve en droit de supposer que la conscience ne s'est développée que sous la pression du