Le sujet

Qui suis-je ? Qui est autrui ?

Ces questions pourtant bien quotidienne n’admettent, lorsqu’on y réfléchit, que des réponses problématiques. La notion de « sujet », dérivée du latin subjicere (« placer sous, subordonner »), rend compte de la complexité de ce qui constitue fondamentalement chacun d’entre nous. Pour que quiconque soit perçu comme un sujet, il faut toujours supposer qu’ « en dessous » de son apparence première (en particulier physique), se loge une conscience lui permettant de se mettre en relation avec le monde extérieur ainsi qu’avec sa propre réalité et de les réfléchir. C’est ce qu’on appelle l’intériorité, qui ouvre une perspective unique sur le monde : la subjectivité, par opposition aux simples objets inertes, voire aux autres vivants. Mais être des sujets, c’est plus encore : cela suppose une capacité d’activité, voire de résistance au réel qui, d’une façon ou d’une autre, nous confère une forme de responsabilité. Le sujet d’un verbe, c’est celui qui agit… mes pensées, mes actions, mes désirs et même mes perceptions, mes relations avec autrui, mon existence renvoient à moi-même en tant que, d’une certaine façon, il est possible de dire que j’en suis, ne serait-ce que partiellement, l’auteur ou du moins le substrat.

La notion de sujet ne s’inscrit pourtant pas dans un simple rapport de soi à soi ou de soi au monde. Elle engage toujours une relation avec autrui. La conscience de soi, la perception du monde, la nature des désirs (si elles se rapportent toujours à un sujet singulier qui en a la responsabilité et qui, jusqu’à un certain point, les contrôlent) seraient impossibles sans une relation plus ou moins réglée avec d’autres hommes qui habitent avec nous un même monde au sein duquel nous construisons un horizon commun. Les divers sens politique, juridique et moral de la notion de sujet confirment cette dimension collective de la subjectivité, qui nous impose de ne pas considérer les autres comme de simples individus, mais