Le taux d'interet sans risque a t'il encore un sens aujourd'hui?
Depuis que j’étudie l’économie, il m’a été enseigné que l’Etat est un emprunteur qui ne fait pas défaut et que prêter à l’Etat signifie qu’on ne court aucun risque. Leurs théories de l’investissement reposent sur la liberté individuelle d’investir ou de ne pas investir. Cette liberté de la figure de l’investisseur est garantie par l’existence d’un taux d’intérêt sans risque, payé à qui prête à l’Etat. L’hypothèse d’un tel taux est pourtant assez difficile à admettre. ll faut avoir la mémoire courte pour imaginer qu’un Etat ne fait jamais défaut. Il s’agit ici de savoir si le taux d’intérêt sans risque est toujours « sans risque » actuellement. Mais cela fait des décennies que cette question se pose. En 1986, Max Weber intervint dans le débat qui conduisit à la réforme boursière en Allemagne dans un contexte marqué par de nombreux scandales boursiers. Ses lecteurs ont en mémoire que la suspension de paiement en 1890 des rentes émises par l’Etat argentin provoqua l’illiquidité de la banque londonienne Barings Brothers, qui fut sauvée de justesse, et les investisseurs allemands perdirent alors les deux tiers de l’épargne qu’ils avaient placée dans ces emprunts.
« L’Allemagne a déjà perdu plusieurs centaines de millions à cause des emprunts argentins, et lorsqu’enfin les banques, se rendant compte que ce pays empruntait au-dessus de ses capacités, refusèrent de faire crédit plus avant, le ministère des Affaires étrangères, pour des raisons politiques, essaya de les faire changer d’avis. »
(WEBER Max, 2010 [1894-1896], La Bourse, p.90, Paris, Allia)
Outre cet exemple historique et emboîtant le pas des travaux de H. Markowitz (1952, 1959), les fondements de la finance moderne reposent sur l’hypothèse d’un taux sans risque. Aujourd’hui, il semble que les professionnels de la finance redécouvrent à leur tour qu’il est risqué de prêter à l’Etat et que cela les trouble quelque peu. Est-ce dans un siècle de transition comme le nôtre, dans un siècle qui