Est-ce qu'une telle définition de la poésie ou de l'art en général est recevable ? Nous savons bien que l'art a pu emprunter d'autres voies et que l'engagement politique est plutôt une exception. De même le réveil du peuple appartient-il aux artistes ou aux hommes politiques ? Aujourd'hui la conscience politique des écrivains se traduit naturellement par un engagement dans les partis, et la république des lettres est plutôt passée sous l'autorité des idées de gauche au XXe siècle. Le réveil du peuple doit-il s’effectuer à partir du lyrisme poétique ou de l’analyse réaliste des hommes politiques ? Qu’ajoute l’art au discours politique ? Nos contemporains sont toujours friands des joutes oratoires à la télévision, plus animées que les ternes programmes politiques pourtant si nécessaires. Là où la passion apparaît, le regain d’intérêt pour la chose publique est réveillé. Nos hommes publics cultivent toujours la formule assassine ou définitive. Ce n’est pas encore de l’art car il manque le souffle de l’inspiration, mais c’est déjà mieux que les discours stéréotypés rédigés par les attachés parlementaires.
L’art a donc son rôle à jouer dans le champ social. En effet, au-delà de leur devoir de contestation, les artistes exercent aussi un fascinant pouvoir.
Tout d'abord la parole humaine, la conscience morale éventuellement sublimée par l'art ont une importance, peuvent influencer les destinées du monde. Une anecdote illustre cette affirmation. Alors qu’on parlait du pape à Staline, le dictateur soviétique rétorquait : « combien a-t-il de divisions ? » exprimant par là le peu de considération pour le pouvoir spirituel du chef de l'Église catholique. Pourtant il se trompait puisque quelques décennies plus tard, un pape polonais contribuait notablement par ses seuls enseignements à la chute du « mur de la honte » et à la fin de l'empire soviétique.
Pourtant de nombreuses œuvres sont tombées dans l'oubli parce qu'elles ne recélaient pas une vérité humaine suffisante dans