Leader
Dans une grande entreprise française s'est déroulé récemment l'un de ces épisodes de la vie des entreprises qui nourrissent les " messes basses " autour de la machine à café. A l'occasion d'un déménagement, un jeune cadre dirigeant plutôt effacé s'attribua le bureau le plus inconfortable de l'étage directorial. Exigu, sombre, il avait été délaissé par les autres, et le fait que notre homme le choisisse avait été interprété comme un signe supplémentaire de son manque d'ambition. Erreur. La pièce qu'il avait choisie se trouvait dans l'axe du bureau du président. De sa table de travail, il pouvait voir le grand homme entrer et sortir. Et, pendant quelques semaines, il s'arrangea pour partir en même temps que lui, le soir, partageant l'ascenseur et probablement des confidences. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il devint membre du cercle restreint, à la fureur des " barons ".
L'histoire est vraie, évidemment. La première réaction, lorsque l'on est témoin d'une aventure de ce genre, c'est de prendre tous les livres, toutes les revues qui parlent de leadership, d'en faire un paquet, de le lester d'un gros caillou et de le balancer au fond d'une mare bien profonde. Réaction primaire, mais compréhensible. Quand on se bat chaque jour pour faire la preuve de ses compétences dans une organisation et que l'on ressent la pénible impression que le jeu est faussé, que les critères d'appréciation n'ont que peu à voir avec la qualité du travail fourni et sa contribution aux résultats de l'entreprise, on a droit aux réactions primaires.
Mais on a aussi le droit d'être intelligent, de récupérer le paquet au fond de la mare et de se demander si, entre la courtisanerie la plus éhontée et la solitude du coureur de fond, le leadership ne serait pas la valeur à la hausse, celle dont les entreprises ont le plus besoin. En la matière, les Anglo-Saxons ont une bonne longueur d'avance. A en juger par