Les amies d'héloise, roman, quelques extraits
Les amies d’Héloïse
Hélène de Monferrand
Roman, 1990-Prix Goncourt du Premier Roman Éditions de Fallois
Extraits
Journal d'Erika von Tauberg
Vienne, le 7 juillet 1964
Dîner sans apparat hier à l'ambassade d'Espagne. Au milieu des vieilles peaux du Vienne mondain (ou demi mondain...), un peu de fraîcheur, avec les enfants de l'ambassadeur et leurs amis, filles en dirndl, garçons en costume local amélioré, c'est-à-dire que passé dix ans ils ne montrent plus leurs genoux. A côté de Pilar, une jeune personne brune comme toute l'Espagne, avec des épaules superbes, qui gagnerait à s'étoffer, peut-être, et un teint mat d'une fraîcheur exceptionnelle. Quoique ces lieux ne s'y prêtent guère, il est difficile de n'être pas tentée. Mais je n'ai pas pu parler à la merveille, qui ne s'est pas attardée. Je pense qu'il s'agit d'une cousine de Pilar. Que la vie, ma vie, est compliquée ! Si je n'étais pas une femme, je pourrais montrer mon intérêt. Au lieu de ça je me laisse conter fleurette par des hommes qu'il me faut ensuite écarter habilement. De toute façon, je laisse tomber. Dans ce milieu, dans ce pays, c'est sans avenir. Manuela arrive demain et tant mieux. Je vais lui faire faire des visites culturelles, on va se gorger de Kunsthistorisches Museum ; faire mes devoirs de grande sœur me changera les idées. Soyons lucide, ma vie est dans une impasse, je n'aime personne assez longtemps pour dire même que j'aime, et mon livre n'avance pas. Et il n'avance pas parce que je suis frustrée. Dites-moi, Saint Sigmond de la Berggasse, pourquoi je ne peux pas sublimer, moi ? Oh, puis je ne veux pas sublimer, je ne veux plus coucher à droite et à gauche non plus, je veux retomber amoureuse. Levez-vous orages désirés !
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Les amies d’Héloïse, Hélène de MONFERRAND Editions de Fallois, 1990
Journal d'Erika von Tauberg
Vienne, le 4 août 1964
Stupéfiant, la chance tourne grâce à Manuela (famille, je vous