Les annales document
A nos lecteurs Grâce à la largeur de vue d’un grand éditeur, grâce à un concours de collaborateurs français et étrangers, dont l’empressement a été pour nous une joie et un encouragement, nos Annales, dessein depuis longtemps mûri, peuvent paraître aujourd’hui et tenter d’être utiles. Nous en remercions les auteurs véritables. Encore un périodique, et qui plus est, un périodique d’histoire économique et sociale ? Certes, nous le savons, notre revue, dans la production française, européenne et mondiale, ne vient pas la première. Nous croyons pourtant que, à côté de ses glorieuses aînées, elle aura sa place marquée au soleil. Elle s’inspire de leurs exemples, mais elle apporte un esprit qui lui est propre. Historiens l’un et l’autre, ayant fait sensiblement les mêmes expériences et tiré d’elles les mêmes conclusions, nous sommes depuis longtemps, frappés des maux qu’engendre un discours devenu traditionnel. Tandis qu’aux documents du passé les historiens appliquent leurs bonnes vieilles méthodes éprouvées, des hommes de plus en plus nombreux consacrent, non sans fièvres parfois, leur activité à l’étude des sociétés et des économies contemporaines : deux classes de travailleurs faites pour se comprendre et qui, à l’ordinaire, se côtoient sans se connaître. Ce n’est pas tout. Parmi les historiens eux-mêmes, comme parmi les enquêteurs que préoccupe le présent, bien d’autres cloisonnements encore : historiens de l’antiquité, médiévistes et « modernisants » ; chercheurs voués à la description des sociétés dites « civilisées » (pour user d’un vieux terme dont le sens chaque jour se modifie davantage) ou attirés au contraires par celles qu’il faut bien, faute de meilleurs mots, qualifier soit de « primitives », soit d’exotiques… Rien de mieux, bien entendu, si chacun, pratiquant une spécialisation légitime, cultivant laborieusement son propre jardin s’efforçait néanmoins de suivre l’œuvre du voisin. Mais les murs sont