Les croyances collectives sont-elles rationnelles ?
Intro
P. Sanchez définit les croyances collectives comme des énoncés ayant une dimension institutionnelle, ne se confrontant que partiellement au réel mais mobilisant des systèmes argumentatifs capables d’expliquer leur non concordance à ce réel et suscitant un sentiment de certitude subjective sur leur validité (2009)
Selon F. Clément la croyance est « un état informationnel, codé dans le cerveau, sur lequel nous nous appuyons pour engendrer des actions et des pensées, et qui peut faire l’objet de révision » (1999, p.13)
Le terme de rationalité mérite qu’on s’y arrête. On ne saurait faire de la sociologie, et plus généralement de la science, sans cette exigence de cohérence interne du raisonnement et de la démonstration qui renvoie à la rationalité. La science est un travail rationnel pour rendre le réel intelligible. Ici, la rationalité des croyances renvoie essentiellement à la rationalité que l’on prête aux individus qu’il s’agisse de leurs décisions, actions, comportements ou croyances. Dès lors, ce qu’il convient de discuter est la capacité des théories de l’action rationnelle – que leur rationalité soit substantive (agent néo-classique avant Simon et même souvent après), procédurale (Simon, 1975, 1982) ou « cognitive » (Boudon, 1990-2009) –, à rendre compte non seulement des croyances mais collectives. Il y a là un vrai défi que R. Aron, peu avant sa mort en 1982, avait lancé à R. Boudon. Le relevant, ce dernier a produit une œuvre dont l’ambition fut justement cette explication des croyances collectives par la rationalité individuelle. Y-est-il parvenu ? Voilà la question que nous nous proposons de traiter.
Au prix d’un élargissement de la conception qu’il se fait de la rationalité i.e. la rationalité cognitive ou, plus récemment, ordinaire (2009), il a proposé un modèle d’analyse individualiste et « rationnel » des croyances collectives. Cependant, son programme est, et