Le sujet pourrait donner lieu à bien des orientations, et il convient d'indiquer d'emblée les trois qui ne seront pas choisies. La première serait une tentative de psychobiographie. Pourtant, le roman en offre des éléments. Le petit Boris ressemble beaucoup au petit André : lui aussi s'est retrouvé prématurément orphelin de père, lui aussi a dû affronter un problème d'onanisme infantile, l'École alsacienne qu'il fréquentait ressemblait par certains aspects à la pension Vedel. L'amour sublimé que le jeune Gide a éprouvé pour sa cousine Madeleine à l'époque fervente de sa première communion n'est pas sans rappeler celui que Bernard déclare vouer à Laura. L'aventure d'Édouard avec Olivier, que lui dispute Passavant, rappelle beaucoup celle de Gide avec Marc Allégret, que fascina un moment Cocteau, en 1917. Les lettres du frère de La Pérouse brûlées par sa femme sont une transposition des lettres de Gide brûlées par Madeleine à la suite de son départ avec Marc pour l'Angleterre en 1918. Et on peut considérer comme une transposition encore beaucoup plus complexe cet enfant encombrant, et pourtant pas absolument non désiré, qu'attend Laura, alors que Gide vient de faire une fille en 1923 à Elisabeth Van Rysselberghe, la fille de sa meilleure amie. Le substrat psychobiographique offert par Les Faux-Monnayeurs est donc d'une richesse incontestable. Il a d'ailleurs déjà été relevé et partiellement exploité dans deux ouvrages, ceux de Jean DELAY, La jeunesse d'André Gide (Gallimard, 2 vol., 1956-57), et de Pierre MASSON, Lire les Faux-Monnayeurs (PUL,