Les Fous de Bassan
Les fous de Bassan ou le problème de la société mâle par Aurélien Boivin
DE QUOI S'AGIT IL ?
Avec Les fous de Bassan, publié à
Paris en 1982, Anne Hébert obtient le prix Femina. Mais cette « histoire d ' a m o u r , de haine et de cruauté », de désir, de violence et de désespoir, elle la portait en elle depuis l o n g t e m p s , ainsi qu'elle le confie à
Jean Royer, dans Le D e v o i r d u
11 décembre 1982. Elle l'a d'abord racontée à la troisième personne, en
1977, mais elle a abandonné son projet, jugeant q u ' i l y avait t r o p de distance entre elle et ses personnages. Si elle a ensuite songé à
Perceval c o m m e narrateur, elle a eu finalement « l'idée de faire voir les mêmes événements [...] par chacun des différents p r o t a g o n i s t e s 2 ».
Cette histoire qu'elle prétend, en note liminaire, « sans aucun rapport avec aucun fait réel ayant pu survenir, entre Québec et l'océan Atlantique », raconte, en six parties constituant autant de points de vue, la disparition de deux cousines germaines, Nora et Olivia Atkins, le soir du 31 août 1936, à Griffin Creek, village imaginaire de la péninsule gaspésienne. Ce drame
n'est toutefois pas sans rappeler celui qui est survenu à Peninsula, petit village de la Gaspésie, le
31 août 1933, ainsi que nous l'avons déjà d é m o n t r é 3.
LE TITRE
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées quant au titre m é t a p h o r i que du r o m a n . I l y a d'abord un rapprochement à établir entre les h o m m e s de Griffin Creek, qui épient les f e m m e s et les dévorent des yeux, tels le pasteur Nicolas Jones,
Perceval et Stevens l u i - m ê m e , et les fous de Bassan, dont l'œil noir est
« braqué sur la surface de l'eau et dans l'épaisseur de l'eau, épiant à travers les vagues tout frémissement de vie, toute promesse de festin » (p. 42). Quand il revient au village, Stevens, du haut de sa corniche qui d o m i n e la mer, ressemble à un fou de Bassan observant tout ce qui se passe en bas au niveau de l'eau (p. 61). Le