Les mamelouks
« Les esclaves les plus chers du monde »
Les Arabes, maîtres d'un empire s'étendant de l'Indus à l'Espagne, avaient eu très tôt besoin de soldats : ils en avaient trouvé autant qu'ils en voulaient chez les nomades turcs de l'Asie centrale dont ils avaient stoppé l'élan expansionniste. C'étaient en fait des mercenaires, mais comme la plupart du temps ils étaient achetés enfants ou adolescents dans les tribus de la steppe, on les nommait « esclaves », mamelouks, plus exactement « esclaves blancs » par opposition aux Soudanais. Dès 674, on en recensait quelques milliers à Bosra. Du VIIIe au IXe siècle, leur nombre ne cesse de croître et, avec lui, leur puissance : ils commandent les armées, gouvernent des provinces et se permettent même, en 861, de renverser un calife abbasside de Bagdad qui leur déplaît pour en introniser un autre. Quelques années après, l'un d'eux, Ibn Tulun (868-884), devient le véritable souverain indépendant de l'Égypte.
Rien ne change avec les siècles. Les Fatimides venus d'Ifriqiya – la Tunisie – qui ont occupé la vallée du Nil et fondé Le Caire, Al-Qahira, « la Victorieuse », ont leurs mamelouks. Leurs successeurs, les Ayyubides, les héritiers du célèbre général kurde Salah al-Din Yusuf, notre Saladin, en ont aussi ; ils sont plus nombreux que jamais bien qu'ils coûtent cher – « c'était les esclaves les plus chers du monde » dit Ibn Hawqal – et qu'il faut les renouveler sans cesse. Mais l'Égypte, grâce à eux, a retrouvé sa puissance dans un Proche-Orient déchiré par les invasions seldjoukides et