Les temps
Les temps étaient durs. Je m’étais réveillé ce matin-là par les cris de ma sœur. Ma mère courait de droite à gauche tenant fermement Tahina dans le creux de ses bras essayant de la calmer. Elle avait été seule à nous élever ces dernières années, depuis le départ de mon père. Mon père nous avait laissé tombé. Il était parti un matin sans nous faire ses adieux. La mort l’avait emporté. Depuis, les temps étaient devenus encore plus misérables. Jour après jour, les sous exigeaient de plus en plus de travail et étaient difficiles à garder. Ma mère ne pouvait travailler. Sa condition l’en empêchait. Quant à ma sœur, elle était encore trop jeune pour travailler à l’usine de souliers d’à côté. J’étais le seul de la famille à avoir un emploi. J’arrivais à faire manger ma famille convenablement et c’est tout ce qui comptait. C’était mon devoir d’aller récolter quelques sous chaque jour pour ne pas les laisser mourir de faim. Je me suis mis à marcher dans la rue. Je devais me rendre au champ qui séparait mon village de celui voisin. C’était ce jour du mois où la nature détruisait tout emportant avec elle quelques malheureux. Je m’en suis aperçu seulement lorsque le sol commença à gronder. La terre en dessous de mes pieds se mit à vibrer de terreur. Elle grognait et laissait de larges trous noirs sur son chemin, emportant des familles en entier. Le trou que je vis aspira tout sur son passage laissant qu’un feu de brume derrière lui. Le village craquait en mille morceaux. Des fissures le recouvraient en entier. Des incendies le ravageaient. Il ne ressemblait plus à rien. Jetant un dernier regard à ce désastre, je me mis à courir vers la maison. Des images horribles me hantaient. La seule pensée de retrouver ma famille aspirée au fond d’un trou m’affolait. Je courais à en perdre haleine. La pluie commença à tomber. De fines gouttes me rafraîchir. Peu à peu, ces gouttelettes se transformèrent en un rideau de pluie. Tout en me ralentissant, ce torrent